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Zoon Politikon 2012
1 avril 2012

Renart bat la campagne

RENART BAT LA CAMPAGNE

 

 

 Maître Renart a déjà fait couler des rivières d’encre et des flots de passion dans les annales contemporaines. On a peint en détails les prodiges politiques de sa ruse, l'impudence légendaire de ses actes et la brutalité souvent grossière de ses mœurs. Tout cela en fait-il pour autant un démon ? On oublie trop souvent que l’animal au roux plumage a un cœur, lui aussi, qui bat à sa cadence, au rythme d’un chant langoureux. Ainsi s’expliquerait son union avec une insatiable et sensuelle féline maîtrisant aussi bien la guitare que la flûte. Il est vrai que cet étrange hymen suscita bien des jalousies parmi lrenartes courtisans. Les uns parlèrent d’un mariage de raison entre la Belle et la Bête, d’autres se vantèrent d’avoir déjà goûté la pomme. Personne ne voulut croire à la sincérité de cette idylle nouée dans un lieu bucolique entre la fée Clochette et le tendre Bambi. N’est-ce pas l’âme de l’enfant qui sommeille en chacun ? Car le méchant nain1, comme l’avaient baptisé nos ancêtres moqueurs, éprouve autant que nous les plaisirs et les peines de l’amour. Il souffre. Il pleure. Il rit. Près des flancs délicats de sa belle. Son cœur n’est pas de roc, mais d’argile lorsque, la nuit venue, il berce tendrement sa fille dans la chambre douillette d’un palais parisien. Chef contesté d’un peuple inconstant et frivole, il inaugura les premières heures de son règne tel un Fouquet déployant indécemment son amour du luxe et de l’argent facile. Célébrant sa victoire dans un lieu de ripailles et d’outrageuses bombances, il s’attira pour toujours la haine du pauvre. Exposant paresseusement sa fourrure rousse à la lueur du soleil, il séjourna aussi sur le navire d’un proche au mépris des modestes. On lui tint donc rigueur d’un style de vie sans doute issue de ces riches paysans magyars2 jouissant aux dépends de leurs serfs. L’erreur de Renart fut surtout d’avoir gouverné en s’entourant d’une clique de rapaces et de rongeurs moins rusés que dangereux. Parmi les membres de son entourage, il y eut d’abord un vautour3 haïssant les bougnats (la terminaison du terme est encore sujette à caution4). Puis une fouine à lunettes chargée de contrôler la provenance de la viande quand sonnait l’hallali !... Il y eut encore ce mulot maladroit placé à l’Industrie ou cette charmante cigogne habilement désignée pour le représenter au cœur de la campagne. C’est fort de cette équipe rôdée que la bête aux oreilles affilées entreprit de mater la disette. Devant la foule des brebis encartées, il invoqua le secours de son peuple : « Aidez-moi », glapit-il en remuant les pattes. « Aidez-moi à sauver le pays des périls à venir !»…le renard

Mais Renart a le tort de mépriser ses opposants. Parlez-lui de la gauche et des écologistes : « Ils sont trop verts, vous répond-t-il, c’est bon pour les goujats »5… Parlez-lui de ceux qui  rugissent de l’autre côté, il vous dira que  tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Ainsi module-t-il son discours comme le chant des sirènes, ballotant ses idées de droite à tribord toute. Jamais on ne vit jusqu’alors fromage si généreux et programme si varié. Sur l’air d’une sarabande, Renart commença sa campagne en sifflotant humblement la chanson du mal aimé… Sarcastique à ses heures, sâr6 caustique et râleur, il n’est déjà pas loin de perdre sa couronne. Les Egyptiens diraient qu’il a construit son propre sarcophage. Nous disons, nous, plus simplement, qu’il a creusé sa tombe…

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1 Surnom attribué au goupil dans le Roman de Renart.

2 Personne n’ignore, en effet, que l’intéressé est issu d’une famille aisée de Hongrie.

3 Nous reprenons cette comparaison à une campagne menée en 2011 par le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP). L’une des affiches représentait l’ancien ministre de l’intérieur sous les traits d’un vautour.

4 Cette polémique lancée en 2009 fit suite aux propos ambigus tenus par ce-dernier au sujet des Arabes ou des Auvergnats.

5 Cf. La Fontaine, Fables, III, 11.

6 « Roi » en assyrien.

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